
Le Goncourt 2011 piraté
La version numérique du dernier Goncourt édité par Gallimard, L’Art français de la guerre, un roman d’Alexis Jenni, n’est pas exempte de fautes typographiques. Qu’à cela ne tienne ! Des pirates l’ont amendée.
Un groupe d’internautes pirates animés d’une réelle passion pour la littérature, la » Team Alexandriz « , s’est gaussé sur Twitter de la maison d’édition Gallimard : « Oh la la, le Goncourt 2011 commercial est plein de fôtes, heureusement qu’on corrige… ». En bref, la « Team », réputée pour son travail de qualité, vient de faire la démonstration éclatante de sa supériorité.
Ces corsaires de la Toile ont le vent en poupe
La » Team Alexandriz » ne s’encombre pas de la légalité, puisqu’elle met en libre téléchargement des livres numériques dont elle ne possède pas les droits. Mais, si ces forbans de l’Internet ne respectent pas la loi, ils respectent la langue française et partant, le lecteur. En outre, ils mettent la culture à la portée de tous.
Actuellement, les éditeurs pratiquent une politique tarifaire déraisonnable, pour ne pas dire outrancière. Pourquoi vendre au même prix (voire plus cher) que le livre papier un fichier qui ne coûte absolument rien à la fabrication ? On nous parlera du coût technologique (quelques heures de travail pour une conversion de fichier en epub ou en un autre format…) et de la TVA (19,6 %). Le système est tellement absurde que le consommateur déboursera parfois deux fois plus pour acheter un livre numérique plutôt que son équivalent au format de poche.
Par surcroît, les DRM (Digital Rights Management : Gestion des Droits Numériques), censés prévenir la copie et le prêt, indisposent surtout le novice en informatique (un utilisateur aguerri trouvera sans peine une application pour faire sauter les verrous numériques). Dans un tel contexte, forcément, le piratage a de beaux jours devant lui.
Les pirates n’en sont pas à leur coup d’essai
Ces flibustiers de la littérature écument les rivages inexplorés par les éditeurs traditionnels. Ainsi, au mois de mars 2011, la fameuse » Team » a mis en ligne l’œuvre intégrale de Tolkien en langue française. Sur le site Aldus, spécialisé dans la lecture numérique, l’on parle de » qualité remarquable « et d’ » une réelle édition de référence « . Ce fut un coup magistral, car enfin, pour rester dans un cadre légal, les » toqués de Tolkien » doivent savoir lire dans la langue de Shakespeare (on peut trouver en ligne une édition anglaise depuis 2009).
Quand une petite équipe d’internautes férus de littérature réussit, avec peu de moyens, là où une grande maison d’édition comme Gallimard échoue, il convient d’afficher une moue dubitative.
Alors, Messieurs les éditeurs, publier un ouvrage exempt de fautes, c’est une question de… correction.
Cet article a été publié en première page du Post le 17 novembre 2011.