
En avoir ou pas : c'est une question d'évolution... (Crédit photo : © Randall Reed / 123RF)
Une étude scientifique parue dans la revue anglaise de référence Nature du 20 octobre 2011 nous éclaire sur la modification des organes au cours de l’évolution : si les testicules ont évolué rapidement, le cerveau est à la remorque.
Une équipe de chercheurs suisses, dirigée par le professeur Henrik Kaessmann de l’Université de Lausanne, a étudié six organes essentiels (cerveau, cervelet, testicules, cœur, reins, foie) de neuf espèces de mammifères (souris, macaque rhésus, cinq espèces de grands singes dont l’homme, opossum et ornithorynque). Deux ans de labeur, 43 milliards d’échantillons d’ADN examinés et des dizaines de millions d’heures de calcul n’ont pas été de trop pour parvenir à la conclusion suivante : la vitesse d’évolution des testicules et celle du cerveau sont sans commune mesure.
La primauté du sexe
Grâce à une nouvelle méthode ultra-rapide de séquençage des ARN messagers des gènes, les scientifiques ont « pu déterminer quels gènes sont exprimés et, par conséquent, quelles protéines sont utilisées dans quels organes. Cette technique permettant par ailleurs d’obtenir des données tant quantitatives que qualitatives de l’expression des gènes, [ils ont] pu déterminer non seulement dans quels organes, mais aussi à quelle intensité certains gènes étaient actifs « , explique Henrik Kaessmann dans le communiqué de la Faculté de biologie et de médecine de l’Université de Lausanne.
C’est ainsi que les scientifiques ont constaté que Dame Nature, sous l’aiguillon de la nécessité (sélection naturelle, émulation entre mâles pour séduire les femelles jugées les plus aptes à transmettre l’héritage génétique de l’espèce à leurs progénitures), a fait montre d’une grande diligence en favorisant les organes reproducteurs aux dépens du siège des fonctions cognitives.
De quoi inciter le » roi de la création » à un peu plus d’humilité
Une propension à l’anthropocentrisme nous porte à concevoir un devenir rassurant pour notre espèce. L’homme est » l’être appartenant à l’espèce animale la plus évoluée de la Terre » dixit Le Robert. Alors, quand cet être prétendument raisonnable apprend dans un communiqué scientifique que » [son] cerveau est plus proche d’un cerveau d’ornithorynque que d’un foie humain « , il s’interroge.
Lors, il pense à Darwin qui prétendait : » Si grande soit la différence entre l’esprit de l’homme et celui des animaux les plus élémentaires, c’est seulement une différence de degré et non de qualité « . Lors, il s’adonne aux ébats amoureux en songeant peut-être à son » cerveau qui a connu une évolution étonnamment lente « selon le professeur Henrik Kaessmann : va-t-il jusqu’à penser que cela explique ceci ?
Jules Renard, l’homme d’esprit qui aimait à brocarder ses semblables, disait : » L’amour tue l’intelligence. Le cerveau fait sablier avec le coeur. L’un ne se remplit que pour vider l’autre « . Parler pudiquement de coeur évite de se comparer aux autres mammifères en rut.
Dans tous les cas, la finalité reste toujours la même : il s’agit de se démarquer de ses rivaux pour avoir le privilège de copuler avec l’être désiré. La prééminence du sexe sur le cerveau remonte à la nuit des temps.
Sources : La Tribune de Genève, Unil.ch, Nature, TSR.
Cet article a été publié en première page du Post le 28 octobre 2011.