
Le touriste lève la tête pour admirer les beautés architecturales de Paris, mais ne voit pas les déjections canines à ses pieds. (Crédit photo : © Conny Liegl (MoonSoleil))
À Paris, l’on se gausse volontiers du touriste étranger, mais bouter l’Anglois hors de France n’est plus à l’ordre du jour.
Dans les lieux chargés d’histoire, il lève toujours la tête pour admirer la nef d’une église, les toits pittoresques ou la gorge abondante d’une fille de Marianne accoudée à son balcon fleuri. C’est dans un de ces moments d’extase que l’envahisseur subit son châtiment en enfonçant le pied dans une matière solide et fumante que l’on appelle communément étron. Ces déjections canines ont un goût amer de représailles : certains Parisiens englués dans leur vie laborieuse voient d’un mauvais œil l’oisiveté du touriste.
Il cherche à se fondre dans la population indigène en usant d’un français approximatif ou châtié, selon son niveau d’éducation, le français enseigné par les clercs, dans tous les cas, et non par les natifs, et s’entend répondre : » Tu m’crames la tête ! T’es trop mystique, toi ! » Lors, il se rend compte qu’il s’est égaré aux abords d’un lycée et déplore son inculture épaisse en matière de sociolinguistique urbaine.
Dans le métro, aux heures de pointe, au milieu d’une marée humaine furieuse et vociférante, il est le seul à arborer le sourire triomphant du disciple de Bouddha loin des contingences de ce monde.
Sa démarche altière dénote l’homo sapiens conscient des millions d’années d’évolution nécessaires pour aboutir au spécimen policé qu’il représente : une créature souvent en short qui diffère du singe, non par la rareté de son système pileux, mais par le port d’un tee-shirt à l’effigie de la dame de fer (la Tour Eiffel et non Margaret) ou par un ventre plus ou moins proéminent se terminant en boîte à images.
Enfin, son aménité plonge souvent dans l’hébétude le Parisien, d’ordinaire préservé de toute marque de sympathie par sa morgue naturelle.
Cet article a été publié en première page du Post le 9 août 2011.
Bien vu ! Et l’étranger qui s’installe à Paris se fait piéger aussi par les déjections canines mais pas très longtemps, ce qui me rappelle le bouquin de Stefen Clark « A year in the merde », si vous connaissez. Anglais débarquant sur Paris.
Non, je n’ai pas lu ce livre, mais j’ai lu Les carnets du major Thompson (le regard d’un major « so British » sur les Français) de Pierre Daninos. Cela dit, Montesquieu avait ouvert la voie avec ses Lettres persanes. Il faut avouer que le peuple français prête le flanc à la satire, isn’t it ?
Je me disais bien aussi que j’avais déjà lu ça quelque part… mais j’ai quand même bien re-ri une deuxième fois !
Les jours allongent, les jupes accourcissent et dans les prochains jours, les touristes vont affluer dans la capitale : c’était donc le moment de ressortir ce texte.
À bientôt, Cockpit.